Oui c’est complètement con. De ne réagir que maintenant, comme tout le monde, parce qu’un petit bout est mort noyé, et que j’ai vu la photo de son petit corps échoué sur une plage. Hier, je suis allée en famille à la plage aussi, et ma fille elle est bien vivante.
Alors maintenant, je cherche ce que je peux faire, comme tout le monde.
Y aller ? Mon bébé, mon mari, on a besoin de moi ici.
Donner de l’argent ? On gagne bien notre vie, on ne manque de rien. Mais à qui ? Pour quels usages ?
Pousser les murs de notre appartement ? Si seulement on avait une petite pièce de plus, on t’aurait mis au chaud chez nous avec ta famille petit père, où tu aurais eu un abris. Mais non.
Voter ? Visiblement c’est inutile.
Faire quelque chose de concret ?
Comment faire quand on sait que le moindre lieu d’accueil est vite pris d’assaut par des anarcho et des extrémistes ?
Des bouts de choux comme celui-ci ou des adultes, il en meurt par centaines tous les jours depuis des mois, parce qu’on ne fait rien. C’était les vacances, j’étais occupée, je n’avais pas réalisé. Oh putain ce gosse sur le ventre, les bras le long de son petit corps. Ma fille à moi apprend le quatre pattes en ce moment, elle passe des heures entières dans cette position.
Qu’est-ce que je lui dirai dans 15 ans (quand elle aura en elle toute la révolte qu’on peut avoir à cet âge, et un chewing-gum menthe dans la bouche) ? Quand elle apprendra tout ça, et que son père et moi on n’a rien fait. Elle dont la famille a aidé des juifs, des réfugiés, des résistants, il y a 70 ans. Aujourd’hui ses parents entendent passivement qu’on entasse des humains dans des trains, et qu’on trouve le moyen de s’offusquer parce qu’ils refusent de laisser leurs empreintes, eux qui s’échappent de régimes où le fichage peut te mener droit à la mort.
J’ai honte.
De mon pays. De ne me sentir concernée que maintenant, de ne réagir que comme une mère parce qu’il s’agit d’un enfant.
Honte que nos dirigeants ne se rendent compte que maintenant qu’il n’y a pas que des voix d’extrême droite potentielles dans notre pays, et que à cause de leur inaction, des gens comme nous ne peuvent rien faire.