« Avoir des enfants, ça change tout » (non)

nokid

Tu ne sors plus, tu ne vois plus personne, surtout pas tes amis, tu deviens vieux quoi… Et puis quand tu es une femme ton corps se déforme, se zèbre, tu dois récupérer (vite) et tout effacer…

Bonjour l’angoisse.

Vu le tableau, certaine personne choisissent de ne pas faire d’enfants, peur que ÇA leur arrive (en tout cas ce sont les excuses que certains se sentent obligé d’inventer. Parce que en vrai ne pas vouloir d’enfant ça ne se discute pas. Il n’y a pas de raison à avoir. Vu le nombre qu’on est sur Terre, on est pas obligé d’en rajouter si on a pas un peu la foi.)
Les jeunes parents luttent contre ça : ils confient leur bébé même si personne n’est prêt, pour ne pas qu’il prenne de « mauvaises habitudes », ou bien ils s’épuisent à faire tout ce qu’on attend d’eux pour que rien ne change, envie ou pas…

Ça a l’air anodin, mais en 2010, 87,5 % des 45-50 ans étaient parents. Autrement dit, ça fait un paquet de gens, qui un jour ou l’autre ont été confrontés à la situation que « tout change dans leur vie ». Et on peut estimer que statistiquement la très grande majorité des gens ont des enfants.

Sauf que…

Ce qui change vraiment, ce n’est pas toi. Enfin pas plus que quand une nouvelle personne arrive dans ta vie – oui c’est pas mal déjà.
Prenons donc effectivement l’exemple d’un amoureux ou amoureuse.
Autant tes potes peuvent te dire que tu es insupportable avec ta nouvelle conquête, autant tout le monde trouve ça normal que tu en parles, que tu passes du temps avec, que tu vives avec… C’est même plutôt valorisé, on fait des film entier là-dessus, le troulove toussa. En tout cas on ne te change par direct de catégorie sociale quand ça te tombe dessus, même si tu l’avais bien cherché.

Parce que ce qui change vraiment quand tu as des enfants, c’est les autres, le regard que la société porte sur toi.

Mais pourquoi ?!

J’imagine que c’est parce que tout le monde à des parents, ou assimilé. De ce fait tout le monde peut projeter des trucs sur toi et sur la parentalité. Donc quand tu deviens parent, tu deviens « les autres », les darons. La parentalité te fait basculer chez les vieux sérieux, pour la société, pour les gens, pour tes proches, pour tes potes. Et même si toi tu as le sentiments intime de ne pas avoir changé.

Après mon accouchement, j’ai fait un babyblues. Normal (pathétique mais normal). Mais j’ai aussi traversé une crise existentielle. Je n’avais pas changé. L’angoisse.
Pixelle ne débarquait pas dans ma vie : elle a mis du temps à être conçue, je laisse rarement les chose au hasard, et j’avais anticipé, nous avions fait toute la place qu’il fallait. Nous avons fait énormément d’haptonomie : nous la connaissions déjà.
En fait la seule chose que ça changeait vraiment, c’est que je regardais l’émission Les Maternelles sans être passager clandestin.
Bien sûr ça révolutionne la vie, mais à peu près autant que quand j’ai rencontré Tzim, l’imprévu en moins.
J’étais toujours MOI. Contrairement à ce que TOUTE LA SOCIÉTÉ, TOUTE L’HUMANITÉ m’avait laissé entendre. En plus, les enfants, la jeunesse et l’éducation m’ont toujours passionnée, je n’avais même pas un nouveau centre d’intérêt. Juste la continuité. L’HORREUR !

Pour les autres, en revanche, tout avait changé. J’étais passé de l’autre côté. L’attitude de certain a changé, certain ont même carrément disparu de la circulation, alors même que je me débattais pour que notre bébé ne soit une charge pour personne, pour me faire toute petite, pour continuer à faire comme si de rien n’était…
D’un seul coup, tout le monde, même des proches (heureusement pas tous), se sont mis à se sentir le droit de juger comment j’organise ma vie, comme ils ont certainement juger leurs parents pour grandir.

Mais le plus drôle, c’est de changer de catégorie pour les médias, qui sont le reflet de la façon dont nous voit la société.

Je suis jeune (j’ai été enceinte l’année de mes 25 ans), critique vis à vis du travail, slasheuse, journaliste, geek (il faut bien se rendre à l’évidence), je joue de la musique, je porte des sarouels, j’écoute du George Ezra, j’habite dans le centre d’une ville étudiante, je suis diplômée, gayfriendly, génération Y…
À priori je suis la cible idéale pour Madmoizelle, Thomas Hercouët et autre Golden Moustache.
Pourtant c’est là que je me sens de plus en plus passagère clandestine, chassée, jugée (avec en général une bonne grosse dose d’injonction et de sexisme). Il n’y est jamais question d’enfants, aucun ne dit être parent. Les enfants sont soit du domaine de la nostalgie, soit chez « les autres », soit l’occasion de caricature de parents, soit on n’en veut pas. Il y a quelques exceptions comme Titiou Lecoq (dont j’aime les chroniques <3) mais on ne conçoit pas du tout la parentalité de la même façon.

Alors il y aurait beaucoup à dire sur la sous-représentation des plus jeunes dans l’espace public et du poids incroyable des injonctions qui pèse sur leurs parents (surtout sur leurs mères, étant donné que le plus souvent l’éducation est supposée leur échoir).

Mais en fait je profite de cet article pour faire une annonce (après tout je fais ce que je veux, je suis chez moi :p ).

Chers futurs parents. Personne ne sait comment vous vivrez l’arrivée de votre enfant. Sachez juste que vous resterez vous. Et que c’est ça le plus déstabilisant.

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